Introduction
DRPI-Canada : pour un véritable exercice des droits humains au Canada 1
- Note #1
- Pour plus d'information sur les activités et publications du projet DRPI-Canada, veuillez visiter le site web
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Disability Rights Promotion International – Canada (DRPI-Canada) est un projet de recherche participatif qui a pour objectif d'établir un système de vigie de l'exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités à travers le Canada en regard des principes de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), adoptée par l'ONU en 2006, et d'autres instruments internationaux relatifs aux droits. Pour ce faire, quatre sites de vigie ont été sélectionnés, soit : St-John's, Québec, Toronto et Vancouver. Lancé en 2006, le projet DRPI-Canada combine la réalisation de quatre grands thèmes de vigie des droits : la vigie systémique, impliquant la collecte et l'analyse des lois et des politiques publiques ayant un impact sur la vie des personnes ayants des incapacités, la vigie médiatique, qui consiste en l'analyse de contenu de la couverture du handicap dans les médias sous l'angle des droits humains, la vigie statistique, révisant les informations recueillies par les études populationnelles, et, finalement, la vigie individuelle, réalisée par des entrevues détaillées avec des personnes d'âge adulte ayant différents types d'incapacités.
La vigie
se décrit généralement comme:
la collecte, la vérification et l'utilisation actives et immédiates de renseignements permettant l'étude des enjeux relatifs aux droits humains. La vigie pour le respect des droits humains comprend la cueillette de renseignements sur des incidents touchant ces droits, le suivi de l'actualité, l'observation de sites de cueillette et la tenue de discussions avec les autorités gouvernementales, et avec l'objectif d'obtenir de l'information et de proposer des solutions aux problèmes précédemment identifiés (DRPI, 2003).
L'une des dimensions importantes réside dans la prise en compte de l'expérience individuelle en regard à l'exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités.
En d'autres mots, la vigie
consiste à:
- Faire un état de la situation
- Établir certains faits
- Dévoiler des informations
- Recueillir des données
- Utiliser des indicateurs afin d'apprécier les changements (un indicateur peut être de nature qualitative ou quantitative et devrait fournir des renseignements spécifiques sur un événement, une activité ou un résultat)
- Évaluer le progrès de la justice chez les personnes ayant des incapacités
Cette vigie repose sur deux principes directeurs soit : l'uniformité des outils de collecte et des pratiques en lien avec la collecte de données ainsi que sur l'essentielle participation des personnes ayant des incapacités. Ainsi, la cueillette de renseignements et le signalement des abus sont des tâches qui devraient être exécutées principalement par des personnes ayant elles-mêmes des incapacités – des personnes ayant différents bagages culturels et différents niveaux de compréhension, de lecture et d'habiletés. De plus, les personnes ayant des incapacités doivent participer à la conception des documents et à l'élaboration des pratiques de la vigie. Et enfin, une formation et un soutien particuliers devraient leur être offerts pour s'assurer que toutes les méthodes mises en place pour recueillir et signaler les cas de violations des droits humains soient utilisées adéquatement.
La réalisation de cette étude se fait donc en collaboration avec des organismes locaux partenaires dans le but d'intégrer des gens de la communauté au projet et de les former de manière à assurer le maintien des activités de vigie de l'exercice des droits des personnes ayant des incapacités. Cette participation des organismes locaux partenaires est particulièrement importante pour le premier thème qui consiste à documenter les expériences de vie individuelles des personnes ayant des incapacités. La question de recherche à laquelle tente de répondre ce premier volet est : Est-ce que les personnes ayant des incapacités exercent pleinement leurs droits dans leur vie quotidienne?
Une fois recueillies, les données sont ensuite analysées à la lumière des cinq grands principes sous-jacents aux droits humains. Il importe de souligner que ces principes généraux relatifs aux droits de la personne protégés par des Conventions ou traités à porté internationale de l'ONU, tels que la CDPH, et qui sont très importants pour les personnes ayant des incapacités sont présentés dans la liste ci-dessous.
- Dignité
- La dignité fait référence à la valeur inhérente de chaque individu.
- Autonomie
- L'autonomie est le droit qu'a un individu de faire ses propres choix.
- Non-discrimination et égalité (impartialité)
- Selon le principe de non-discrimination, tous les droits sont garantis à chacun sans distinction, exclusion ou restriction axée sur l'incapacité ou la race, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance, l'âge ou tout autre état. Selon le principe d'égalité, il faut créer les conditions sociétales qui respectent les différences, qui tiennent compte des désavantages et qui assurent une participation entière de toutes les personnes à conditions égales.
- Inclusion
- Selon le concept d'inclusion, les systèmes d'une société, publics ou privés, sont organisés de façon à permettre la participation entière de toutes les personnes.
- Respect des différences (diversité)
- Le respect des différences comprend l'acceptation des autres dans un contexte de compréhension mutuelle.
Vigie de Québec : contexte, mise en place et méthodologie
En partenariat avec le Regroupement des Organismes de Personnes handicapées de la région 03 (ROP 03), dirigé par M. Olivier Colomb d'Eyrames, le site de Québec a pour tâche, entre autres, de réaliser des entrevues individuelles auprès de personnes ayant des incapacités de la région. Quatre personnes ayant des incapacités de la région ont été sélectionnées pour suivre une formation de moniteur et monitrice et ainsi réaliser ces entrevues. Il s'agit de Mirlande Demers, une jeune femme dynamique et impliquée dans sa communauté, de Rachel Filion, une étudiante au doctorat en psychologie à l'Université Laval, de Réal Guérette, chargé de projet au Regroupement des personnes handicapées visuelles (régions 03-12), et de Raynald Pelletier, un homme de nature passionné qui aime s'impliquer socialement. La formation des moniteurs et du coordonateur (O. Colomb d'Eyrames) aux outils, méthodes et principes d'éthique du projet DRPI s'est déroulée au mois de novembre 2007 dans le cadre d'un séminaire intensif d'une durée de six jours ayant lieu dans la ville de Toronto.
La collecte de données s'est effectuée lors de l'hiver 2008 auprès de 46 participants à Québec. Le recrutement des participants a été réalisé avec l'aide de partenaires locaux selon la technique d'échantillonnage boule de neige
, stratégie reconnue pour sa capacité à recruter des populations isolées et difficiles d'accès et qui consiste à demander aux participants de référer une ou deux personnes susceptibles de correspondre et d'être intéressées à passer une entrevue dans le cadre de ce projet. Les personnes référées sont ensuite contactées et la stratégie se répète, encore et encore, jusqu'à l'obtention de l'échantillon désiré. Cette technique a permis la composition d'un échantillon représentatif des caractéristiques sociodémographiques (type d'incapacité, âge et sexe) de la population ayant des incapacités de Québec (voir chapitre 1).
À partir de questions d'ordre général, Quelles choses avez-vous trouvé les plus satisfaisantes dans votre vie au cours des cinq dernières années?
et Quels sont les défis ou les obstacles les plus difficiles auxquels vous avez eu à faire face dans votre vie ?
, les participants ont identifié deux ou trois situations clés que les moniteurs utilisaient ensuite pour engager une conversation permettant de documenter des expériences de la vie quotidienne. Chaque entrevue était d'une durée d'environ deux heures. Les données ainsi recueillies ont été mises en relation avec les principes généraux des droits humains que sont : l'autonomie; la dignité; la participation, l'inclusion et l'accessibilité; l'égalité et la non-discrimination; et le respect des différences. À l'aide du logiciel N'Vivo 8, l'analyse globale des données qualitatives recueillies à travers ce processus d'entrevues a permis l'examen d'un large éventail d'expériences de vie qui ont ensuite été codées et analysées en fonction de sept domaines clés de l'exercice des droits, tels qu'identifiés dans la CRDP : la famille; le travail; la participation sociale; l'information et la communication; l'accès à la justice; la sécurité du revenu et les services de soutien; et l'éducation. Par la suite, la méthode inter-juges a été utilisée pour valider le traitement des données afin d'assurer la cohérence de la codification avec celle des autres sites canadiens à l'étude.
Enfin, dans le but de valider les résultats issus de l'analyse des données, les participants ayant consenti à être recontactés ultérieurement ont été sollicités pour participer à un groupe de discussion. Dix ont accepté l'invitation et ont participé à ce groupe de discussion qui s'est tenu en novembre 2009. Cette activité a permis de recueillir les commentaires des participants au sujet des principaux résultats de l'étude et ainsi valider leur concordance avec leurs propres expériences de vie. De plus, plusieurs éléments discutés ont permis d'enrichir l'analyse des données.
Les forces et les faiblesses d'un tel projet
Une des grandes forces du projet DRPI réside dans la prise en compte des expériences de vie des personnes. En effet, ce projet de recherche constitue une rare source d'information sur l'exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités. L'exercice des droits de cette population est une réalité complexe actuellement très peu documentée. L'adoption par l'ONU en 2006 de la CDPH réaffirme d'ailleurs l'importance de cette réalité et souligne, par le fait même, le manque de documentation et les besoins d'outils de mesure et de méthodologies de suivi de l'exercice des droits des personnes ayant des incapacités. Une des forces du projet DRPI est de répondre à ce besoin de documentation, et ce, tant à l'échelle locale, nationale qu'internationale.
De plus, le projet DRPI offre la possibilité de comparer les conditions d'exercice des droits de leur finalité : c'est-à-dire l'exercice effectif des droits humains. En effet, la mise relation des vigies systémique et individuelle permet l'identification des lacunes et des contradictions entre la reconnaissance des droits formels, c'est-à-dire ceux inscrits dans les textes de lois, et leur exercice réel par les personnes dans leur vie quotidienne. De nombreux pays ont adoptés des lois qui, en théorie, garantissent les droits humains, mais qui, en pratique, ne parviennent souvent pas à être mises en œuvre ou alors ne sont pas suffisamment appliquées. Il en résulte que de nombreuses personnes voient leurs droits être facilement négligés, violés ou abusés, ce qui entraîne des conséquences dramatiques au plan des droits humains des personnes ayant des incapacités.
Finalement, une autre force indéniable de ce projet est qu'il s'appui sur la participation active des acteurs de la communauté, soit les personnes ayant des incapacités elles-mêmes ou des organismes les représentant. En impliquant ces acteurs sociaux dans les diverses activités de vigie, DRPI souhaite former et sensibiliser les personnes ayant des incapacités à l'exercice des droits humains afin que celles-ci puissent être en mesure de s'approprier les outils et méthodes de suivi de l'exercice des droits et de poursuivre ainsi les activités de vigie.
Comme dans tout projet de recherche, il est également important d'en identifier les limites afin de bien circonscrire la portée des résultats. Dans le cadre de ce projet, nous identifions essentiellement certaines limites méthodologiques concernant la collecte ainsi que l'analyse des données. D'abord, la technique d'échantillonnage utilisée a donné lieu à des difficultés de recrutement. Effectivement, en considérant le fait que les personnes ayant des incapacités sont généralement isolées socialement, la technique boule de neige
permet d'atteindre facilement les personnes attachées à divers réseaux sociaux, mais elle rend toutefois plus difficile le recrutement des personnes en dehors de ces réseaux. Conséquemment, il est possible que les personnes recrutées partagent un même profil ou des modes de vie similaires puisqu'elles s'impliquent dans des activités semblables et dans lesquelles elles se rassemblent. Elles n'en ont pas moins des expériences de vie complètement différentes pour autant. De surcroît, cette situation a rendu certains profils de participants difficiles à atteindre. Ainsi, des personnes ayant certains types d'incapacités (intellectuelles et psychiatriques entre autres) et appartenant à certains groupes d'âge (exemple : 18-25 ans, 26-40 ans et 70 ans et plus) ont été particulièrement difficiles à recruter. Leur faible nombre au sein de l'échantillon a occasionné certaines limites lors de l'analyse et a rendu impossible le traitement de certaines données. Il en résulte que certains domaines d'exercice des droits ainsi que certains types de situation ont été probablement moins abordés.
Ensuite, il est important de mentionner que, en fonction des objectifs de l'étude, le schéma d'entrevue a été essentiellement conçu dans le but d'identifier les situations de déni de l'exercice des droits humains. Par conséquent, les participants ont été davantage invités à partager des événements liés au non-respect de leurs droits alors qu'ils ont été peu incités à faire état des situations dans lesquelles leurs droits étaient respectés. Cette limite doit être considérée lors de comparaisons entre les expériences positives et négatives vécues par les participants afin de nuancer l'interprétation globale des données.
Enfin, deux biais en lien avec la codification doivent être pris en compte. D'une part, la proximité conceptuelle des différents principes qui sous-tendent les droits humains et le fait que ces principes soient indivisibles et interdépendants a eu pour effet d'utiliser dans une moindre mesure, comparativement à d'autres principes, le principe de discrimination et d'égalité. D'autre part, il aurait été opportun lors de la codification de segmenter les entrevues en trois, selon les trois situations que le participants désirent abordées en entrevues, afin d'isoler les différents types de situations et d'être ainsi en mesure de les comparer entre elles de manière plus fine et approfondie. Cette démarche aurait permis de mettre en perspective l'importance de certains phénomènes.